Où l’on apprend l’existence d’un autre lavoir public que celui de la rue de Sully …
En 1941, un sujet très éloigné des préoccupations de guerre, agite les Braciliens : M. Héron de Villefosse ne laisse plus personne
accéder au lavoir public de la rue du Gué Renard, il en a même fait clôturer le
terrain ! C’est depuis 1939 au moins qu’il réclame de pouvoir disposer de
la totalité de son jardin, jusqu’à la Bonne Eure alors qu'un lavoir communal est installé là, mais depuis quand ?
Car c’est J.B. Delasalle, à l’époque maire de Bracieux et
propriétaire du jardin, qui a « abandonné un carré de terrain de 25 mètres
carrés environ au sud de la rue du Gué Renard, au long de la rivière dans
le but d’assurer un lavoir public à la population qui habite entre la place du
Champ Jobert et la Bonne Eure ... Monsieur Delasalle a fait cet
abandon à titre gratuit, ce terrain étant destiné au lavoir avant 1888, époque
à laquelle il a cessé d’être maire de Bracieux, c’est-à dire depuis plus de
trente ans et depuis lors les habitants ont toujours librement disposé du
lavoir et des selles fixées installées dans le lavoir. »
Or, ce terrain a été vendu par ses héritiers à Monsieur
Auguste Petit en 1896. "Monsieur Auguste Petit acquérant le jardin, non
seulement a connu et admis l’existence du lavoir public mais il a fait entourer
son jardin d’un treillage fixé sur les vieux saules pour indiquer la limite
précise de l’enclave. Depuis 2 selles à laver fixées sur le terrain ont été
installées et les habitants en ont usé chaque fois qu’ils en ont eu besoin. »
La commune a même à plusieurs reprises réalisé des aménagements (murette, rampe,
remplacement des selles). M. et Mme Héron de Villefosse ont hérité du terrain de Monsieur Petit, père de Madame.
Après avoir dressé un PV le 14 février 1941 à M. Héron de
Villefosse pour « avoir clos un terrain dépendant du domaine public de la
commune », PV resté sans effet, le
maire se décide sous la pression des habitants, à faire replier la barrière en
juin. M. de Villefosse porte plainte.
C’est le début d’une procédure administrative à rebondissements
tranchant alternativement en faveur de l’une et l’autre partie.
En effet, le dossier est compliqué puisqu’il n’existe pas d’acte
concrétisant l’abandon de la parcelle. La procédure s’appuie donc sur des témoignages
d’anciens mais ils diffèrent sensiblement :
- Est-ce depuis 1865 (8ème témoin) ou
1895 (1er témoin) qu’existe formellement le lavoir avec ses 2 selles
fixes ?
- N’ y avait-il
pas « une sorte de plateforme en planches au-dessus de la rivière pour
permettre aux lavandières de descendre dans le lit de la rivière sans se mouiller
les pieds, mais que par la suite, un système de clayonnage par croûtes et pieux
a été installé, …clayonnage auquel la commune a substitué un mur de maçonnerie
en 1924 » ?
- Entre 1870 et 1910, « les usagers
utilisaient pour accéder à la rivière une sorte de tremplin amovible dont ils
posaient les pieds dans l’eau au hasard de leur fantaisie et sur lequel les
laveuses s’établissaient avec leurs selles. » « Les 2ème et 8ème témoins précisent qu’au début , les laveuses apportaient elles-mêmes ou faisaient apporter par leurs maris des selles ou des planches qu’elles posaient pour partie dans la rivière et partie sur terre… et que par la suite des selles fixes ont été installées. »
- « Postérieurement à 1910, alors que la
maison Petit se trouvait sans gardien, les gamins du bourg et les laveuses
auraient démoli le treillage de séparation. C’est à partir de ce moment que les
deux selles ou planches à essorer, montées sur 4 pieux est signalée » sans
que l’on sache qui les a fait installer.
Par ailleurs, juridiquement, le dossier est tout aussi compliqué : la prescription trentenaire
peut-elle jouer dès lors que l’occupation n’est pas continue, ni exclusive au
bénéfice de la commune ? Un acte de pure tolérance peut-il fonder une
prescription, etc.
Finalement, bien que défendue par Hubert Fillay, la commune de Bracieux est condamnée aux dépens en mai 1942. Le conseil municipal
décide de ne pas faire appel et laisse le terrain complet à son propriétaire
officiel.
L'animosité entre le maire et M. de Villefosse se poursuivra, puisqu'en 1945 le maire tentera de le rayer des listes électorales sur un motif que le Préfet jugera illégal...
Sources : Correspondances Archives municipales