« Elle aime à rire, elle aime à boire, elle aime à chanter comme nous ! »
Camp de jeunesse au château du
Verger en 1941, où 150 jeunes découvrent la campagne …
Un article de la revue CAMPING PLEIN
AIR, hebdomadaire de la jeunesse du 24 janvier 1941 : BRACIEUX En Sologne.
C’est une belle et vaste demeure
campagnarde, presque un château, tout au bout d’une longue allée de platanes, à
l’entrée d’un charmant petit village de Sologne : Le Verger, à Bracieux
(Loir-et-Cher). Depuis, longtemps déserte. Hier encore, l’herbe poussait drue
dans les allées abandonnées du parc dont les échos ne retentissaient plus l’été que des chants d’oiseaux, et,
l’hiver, que des sifflements de la bise…
Le vent souffle encore
aujourd’hui sur Le Verger :
mais sa voix est couverte par celles de 150 jeunes drôles – les nouveaux
propriétaires – qui commencent joyeusement la journée en chantant Fanchon :
« …Elle aime à rire, elle aime à boire,
Elle aime à chanter comme nous ! … »
Un drapeau tricolore claque, haut
dans le ciel, au sommet d’un mât planté dans la cour. Le vaste logis était sans
doute trop étroit : on lui a joint deux grandes baraques en planches, dont
l’architecture n’est pas des plus heureuses, mais que la futaie du parc
dissimule comme elle peut. Tableau bien plus charmant : la basse-cour est
surpeuplée. Poules et coqs, canards et dindons, oies et pintades s’y ébattent.
Dans l’étable spacieuse s’engraissent, que dis-je ?… sont déjà très gras,
quatre porcs splendides !
C’est ainsi que l’abondance, la
jeunesse et la joie sont aujourd’hui les hôtes du « Verger » - devenu Centre Rural de la Jeunesse.
Ils sont là 150 anciens chômeurs
de la Région Parisienne qui ont mis joyeusement en pratique le retour à la
terre : car, il faut le dire tout de suite, les nouveaux habitants du
Verger ne font pas que
chanter de l’aube au crépuscule, dans la perspective inespérée de banquets dans
fin ! On travaille dur à Bracieux ; les labeurs de la terre sont
pénibles ; le vent taillade souvent les visages, et le froid gerce
cruellement les pauvres mains citadines … il a fallu beaucoup de courge, au
début, pour ne pas abandonner la charrue, ou la cognée … Avouons-le ;
quelques-uns sont repartis pour la ville, et la famine. Mais ceux qui restent,
je l’espère, ne s’en iront pas …
Par petites équipes, les anciens
bureaucrates, les ex-manœuvres, employés, bouchers ou tailleurs, ont réappris
les métiers qui furent ceux de leurs aïeux : les uns sont bûcherons, après
avoir fait les vendanges ; les autres creusent le sillon dans la glèbe,
demain, ils vont semer, et l’été prochain, avec orgueil, ils faucheront leur
moisson …
J’ai demandé à Paul, qui fut
ajusteur chez Renault : « ça te
plaît vraiment la vie de « terreux » … ? » Et
Paul, très offusqué de la façon maladroite dont je l’ai questionné, a rougi un
peu et m’a répondu vertement : «
Et pourquoi pas ? Je ne voudrais plus changer …. »
Dans la salle à manger j’ai surpris Jacques en train
d’écrire. Il me tend s lettre et me fait lire : « Mes chers parents, je crois bien que cette fois, je suis
décidé : Je ne retournerai plus jamais travailler à la ville … »
Sans doute, ce serait trop beau de croire que deux exemples
font une loi. Un jour, la nostalgie des fallacieuses lumières de la ville
s’installera au cœur de certains. Mais ce séjour au milieu de l’enthousiasme de
la jeunesse, de l’allégresse du labeur, de l’exaltation de la vie, aura donné
au cœur de tous une espérance et une virilité radieuses, qui, de sitôt, ne
s’oubliera : qu’ils demeurent à la glèbe, ou qu’ils reviennent à l’usine
quand les portes s’en rouvriront, ces anciens chômeurs – ces enfants qui ont
failli devenir de précoces désabusés, - seront sans nul doute, des hommes
pleins de forces nouvelles pour continuer à relever la France abattue …
Texte et photos Gaetan Fouquet
Légendes des photos :
1.
Entre bois et prairies, la maison spacieuse et
claire.
2.
Le Chef de centre et ses jeunes pupilles.
3.
Le paysan est un professeur modeste et familier…
4.
Les cochons sont propriété du centre et non de
la ferme…
5.
Les petits travaux de la ferme.
6.
On apprend quelques vieilles chansons françaises.
7.
Après le travail, les jeux, le sport …
8.
A Bracieux, on ne manque pas de pain …
Merci à R.L. pour nous avoir transmis cet article.
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