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1930 SOUVENIRS D'ECOLE (Partie 4)





Mon camarade, "enfant de l'Assistance"

Témoignage de Guy Doireau






Au cours d’une rentrée scolaire, un nouvel arrivant nous fut présenté par Monsieur Hippolyte, un garçon de notre âge, et désigné sous cette dénomination : « enfant de l’assistance ». Ce titre qui lui était attribué, sans qu’il nous soit apporté d’autres précisions, nous laissa dans l’ignorance pendant quelques semaines. Cependant au hasard des conversations, pressé de questions, j’appris de sa bouche ... [qu'] il ne connaissait ni son père, ni sa mère, il avait été abandonné à sa naissance et recueilli par l’Assistance Publique.

La situation de cet élève m’attrista, lorsqu’il m’annonça qu’il était « placé » dans une famille du village qui devait lui assurer la subsistance. Il se prénommait G  , et son nom avait une consonnance étrangère qui ressemblait aux pays du nord : Belgique ou Hollande. Je n’avais pas d’autres précisions sur sa condition, j’appris à le connaître, et malgré nos différences, il devint mon camarade.

Cependant beaucoup de choses nous séparaient : son langage un peu rude et grossier, son mépris pour une règle principale : la politesse, dont il se souciait peu, et son comportement en classe ou en récréation qui faisait l’objet de réprimandes du maître. Sa tenue vestimentaire fournie par l’administration de l’Assistance Publique était simple, sans aucune fantaisie : brodequins ou galoches pour les chaussures, béret noir pour la coiffure, pèlerine aussi sombre.

La femme qui l’avait en charge, veuve de condition modeste, assez pauvre, était dans l’incapacité de lui apporter l’éducation qui lui manquait. Dans ce foyer, deux autres enfants avaient été « placés » : un garçon et une fille qui étaient également élèves de notre école primaire.

Malgré nos différences, les jeux nous réunissaient souvent après la classe, et nous avions en commun la même passion pour le football, interdit à l’école, mais qui était pratiqué en toute liberté avec d’autres élèves sur la grande place de l’hôtel de ville. G s’était lié d’amitié avec un ouvrier de quelques vingt ans son aîné, qui exerçait la profession de vannier.

Le patron qui l’employait disposait d’un atelier proche du domicile de G, et je l’accompagnais souvent pour assister à la fabrication des paniers, corbeilles et autres ustensiles en osier. Cet ouvrier handicapé se prénommait Jean et il était connu sous le nom de « Jean le Vannier ». C’était aussi un grand fumeur, qui roulait ses cigarettes avec beaucoup d’habileté et de temps en temps, en partageait une avec G , pour quelques bouffées, interdites à notre âge !


Source : La Belle Enfance, Guy Doireau, 2012, avec l'autorisation de sa fille

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