Mon camarade, "enfant de l'Assistance"
Témoignage de Guy Doireau
Au cours d’une rentrée scolaire,
un nouvel arrivant nous fut présenté par Monsieur Hippolyte, un garçon de notre
âge, et désigné sous cette dénomination : « enfant de l’assistance ». Ce titre qui lui était attribué,
sans qu’il nous soit apporté d’autres précisions, nous laissa dans l’ignorance
pendant quelques semaines. Cependant au hasard des conversations, pressé de
questions, j’appris de sa bouche ... [qu'] il ne
connaissait ni son père, ni sa mère, il avait été abandonné à sa naissance et
recueilli par l’Assistance Publique.
La situation de cet élève
m’attrista, lorsqu’il m’annonça qu’il était « placé » dans une famille du village qui devait lui assurer la
subsistance. Il se prénommait G , et son nom avait une consonnance étrangère qui
ressemblait aux pays du nord : Belgique ou Hollande. Je n’avais pas
d’autres précisions sur sa condition, j’appris à le connaître, et malgré nos
différences, il devint mon camarade.
Cependant beaucoup de choses nous
séparaient : son langage un peu rude et grossier, son mépris pour une
règle principale : la politesse, dont il se souciait peu, et son
comportement en classe ou en récréation qui faisait l’objet de réprimandes du
maître. Sa tenue vestimentaire fournie par l’administration de l’Assistance
Publique était simple, sans aucune fantaisie : brodequins ou galoches pour
les chaussures, béret noir pour la coiffure, pèlerine aussi sombre.
La femme qui l’avait en charge,
veuve de condition modeste, assez pauvre, était dans l’incapacité de lui
apporter l’éducation qui lui manquait. Dans ce foyer, deux autres enfants
avaient été « placés » : un garçon et une fille qui étaient
également élèves de notre école primaire.
Malgré nos différences, les jeux
nous réunissaient souvent après la classe, et nous avions en commun la même
passion pour le football, interdit à l’école, mais qui était pratiqué en toute
liberté avec d’autres élèves sur la grande place de l’hôtel de ville. G s’était
lié d’amitié avec un ouvrier de quelques vingt ans son aîné, qui exerçait la
profession de vannier.
Le patron qui l’employait
disposait d’un atelier proche du domicile de G, et je l’accompagnais souvent
pour assister à la fabrication des paniers, corbeilles et autres ustensiles en
osier. Cet ouvrier handicapé se prénommait Jean et il était connu sous le nom
de « Jean le Vannier ». C’était aussi un grand fumeur, qui roulait
ses cigarettes avec beaucoup d’habileté et de temps en temps, en partageait une
avec G , pour quelques bouffées, interdites à notre âge !
Source : La Belle Enfance, Guy Doireau, 2012, avec l'autorisation de sa fille
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